Le lesbianisme est la cible d’attaques, mais pas de la part de ses adversaires habituels

Tenter d’imposer aux lesbiennes des rapports sexuels avec des gens munis de pénis ressemble beaucoup trop à la pratique du « viol correctif » par ceux qui pensent que la sexualité lesbienne peut être «  guérie ».

Que ce soit le déni du lesbianisme en tant que sexualité légitime, ou le préjugé que les lesbiennes sont simplement des femmes qui « n’arrivent pas à se trouver de copain », ou même la pratique du viol correctif, les lesbiennes ont de tout temps été effacées et agressées. La répression du lesbianisme continue aujourd’hui, puisque 44 pays criminalisent encore le lesbianisme et que l’on y constate une hausse des mariages simulés comme seule solution de rechange au viol et aux menaces de meurtre que vivent tant de lesbiennes.

En Chine, ces femmes risquent d’être assassinées par leurs parents et choisissent souvent de se marier avec des homosexuels pour se protéger ; en Inde, les lesbiennes sont forcées d’épouser des hommes hétérosexuels. Un reportage publié dans The Telegraph explique ce qui suit :

« La plupart des lesbiennes n’ont d’autre choix que de se voir imposer le mariage hétérosexuel, ce qui signifie la réduction ou l’absence de contrôle sur leurs choix sexuels et reproductifs, et entraîne une vie entière de viols non reconnus et, en fait, sanctionnés par l’État ».

Une nouvelle forme d’attaque

Mais il existe aujourd’hui une nouvelle forme d’attaque menée contre les droits des lesbiennes, à savoir le message adressé à ces femmes par le mouvement queer, pour qui refuser d’envisager des rapports sexuels avec une personne munie d’un pénis serait une forme d’intolérance.

L’homosexualité a été criminalisée durant des siècles et les gais, victimes de discrimination partout dans le monde. L’homosexualité masculine a été légalisée au Royaume-Uni en 1967, mais avant cela, les gais étaient sujets à de lourdes sanctions. Entre 1806 et 1816, 404 hommes furent mis à mort pour « sodomie » en Angleterre et, jusqu’à la fin des années 1950, jusqu’à mille hommes par an y étaient incarcérés pour des infractions associées à l’homosexualité.

Mais malgré ce traitement cruel des hommes homosexuels à diverses époques et dans divers pays, leurs réalisations et leur existence n’ont pas été effacées comme l’ont été celles des lesbiennes. Dans son ouvrage The Disappearing L: Erasure Of Lesbian Spaces And CultureBonnie J Morris écrit :

« Le corpus académique traditionnel, axé sur les réalisations et le leadership masculins, enchâsse une foule de contributions venues d’hommes homosexuels à travers l’histoire. Par contre, les lesbiennes n’ont bénéficié que d’à peine une génération et demie de visibilité dans la sphère académique (soit la période relativement récente où l’on a permis aux femmes de s’inscrire à l’université). »

Les relations homosexuelles féminines n’ont jamais été illégales au Royaume-Uni, mais les lesbiennes se sont vues forcées de contracter des mariages hétérosexuels et elles ont été soumises à des viols correctifs.

Les femmes qui refusaient de se marier étaient qualifiées de « vieilles filles » et de « frigides », ou elles étaient internées, « traitées » avec des médicaments (comme l’apomorphine, conçue pour guérir les dépendances et la dysfonction érectile), et soumises à des thérapies par électrochocs, soi-disant pour les guérir de leur homosexualité.

Katie L. Frick décrit ce processus :

« Celles qui étaient envoyées à l’asile pour célibat ou lesbianisme étaient soumises à des mariages forcés par des membres de leur famille ou même encouragées à des rencontres sexuelles où les patientes étaient violentées ou violées dans le cadre des soins de leurs médecins. On tenait pour acquis que ces femmes pouvaient être guéries par une interaction sexuelle répétée avec des hommes. »

Dans son roman Riding Fury Home: A MemoirChana Wilson décrit ses soins à sa mère, qui avait été laissée dans une dépression suicidaire par son institutionnalisation et par l’imposition de tels « traitements » :

« Après chaque session d’électrochocs, quand elle avait assez récupéré pour traîner son corps ankylosé et douloureux jusqu’à la cabine téléphonique située au bout du corridor, et qu’elle n’était pas si désorientée qu’elle ne se souvenait plus du nom de ses proches, ma mère appelait quiconque à qui elle pouvait penser – mon père, ses parents, ses amies, et les implorait : « S’il vous plaît, mon Dieu, ils me tuent – il faut que vous me sortiez d’ici ! »

Aujourd’hui, aux États-Unis, il existe 42 États où ce qu’on appelle la thérapie de conversion demeure légal à l’endroit des personnes mineures ; et son utilisation continue d’être débattue par le Parti républicain. La discrimination et les violences exercées contre les homosexuels et lesbiennes se poursuivent partout dans le monde, bien qu’elles soient moins tolérées que par le passé.

Fétichisation du lesbianisme

Mais au fur et à mesure que la société manifestait plus d’ouverture envers les relations lesbiennes, les hommes ont trouvé une nouvelle façon d’interdire aux lesbiennes l’imposition de limites et l’accès à l’autonomie. Ils l’ont fait en fétichisant leur vécu. Par exemple, l’entreprise PornHub a annoncé qu’en 2016, le mot « lesbienne » a été, pour la deuxième année consécutive, l’expression la plus recherchée sur leur site de vidéos pornographiques. Et si le projet masculin de s’interposer dans des relations lesbiennes est toujours un thème populaire du porno, ce projet est également présent dans les films et les romans traditionnels.

Des comédies ont essayé de normaliser l’envahissement masculin des rapports lesbiens et d’imposer l’idée que les lesbiennes ne sont pas vraiment des lesbiennes – elles doivent simplement rencontrer l’homme qui leur conviendra. De nombreux films mettent en scène des personnages masculins qui s’amourachent de femmes décrites comme lesbiennes.

Dans Tout Va Bien ! (The Kids Are All Right), par exemple, un couple de lesbiennes, Jules et Nic, rencontrent Paul, le donneur de sperme de leurs enfants. Une fois impliqué dans leur vie, Paul séduit Jules et ils entament une relation sexuelle. Le lesbianisme est également présenté comme une phase temporaire dans La Tentation de Jessica (Kissing Jessica Stein). Le personnage principal, Jessica, explore nerveusement sa curiosité et entame une relation à long terme avec Helen, pour retourner à son ex-petit ami quand cette liaison se termine. Le film de Kevin Smith Méprise Multiple (Chasing Amy) met en scène Holden, joué par le comédien Ben Affleck, qui tombe amoureux de la lesbienne Alyssa (interprétée par Joey Lauren Adams). Dans son désespoir d’aimer une femme qui ne l’aimera jamais en retour, Holden est consolé par un ami masculin qui lui dit : « Tout ce que toute femme veut vraiment, qu’elle soit mère, sénatrice ou nonne, c’est d’être vraiment tringlée en profondeur. » À la blague, Alyssa finit par s’engager dans une relation sexuelle avec Holden et révèle qu’elle a déjà eu des relations avec des hommes auparavant. Le scénario justifie ainsi le fantasme que tout ce que les femmes désirent vraiment est bel et bien de « se faire tringler en profondeur », quelle que soit leur orientation sexuelle.

Dans la comédie télévisée Comment je l’ai rencontrée (How I Met Your Mother), le coureur de jupons Neil Patrick Harris, interprété par Barney Stinson, se moque des limites des lesbiennes en mettant des lunettes et un bandeau pour se déguiser en femme, proclamant : « Ce soir, je lève une lesbienne ». Cette scène sous-entend non seulement que les lesbiennes ne savent pas différencier les hommes des femmes, mais que si Barney réussissait à amener une lesbienne au lit, elle goûterait vraiment cette rencontre, malgré la supercherie et le déni de sa sexualité.

Les hommes qui cherchent à baiser des lesbiennes sont de longue date un cliché de nos productions divertissantes, mettant en scène des types présentés comme adorables. La croyance qu’un « tringlage en profondeur » est une expérience que les femmes adoreront une fois qu’elles l’auront essayée encourage les hommes à ne pas tenir compte des limites revendiquées par les lesbiennes et présente les rapports sexuels entre femmes comme une faible solution de rechange à la « véritable » sexualité (laquelle doit, naturellement, impliquer des pénis et de la pénétration). Ce thème nous dit que même si les hommes amènent frauduleusement des lesbiennes à une relation sexuelle, elles aimeront cela, peu importe combien elles prétendent préférer les femmes.

Loin d’être humoristiques, ces récits normalisent le viol correctif – la notion qu’il suffirait que les lesbiennes aient des rapports sexuels avec des hommes pour devenir hétérosexuelles.

Le viol correctif

L’expression de « viol correctif » a été créée en Afrique du Sud au début des années 2000, lorsque des travailleuses humanitaires ont remarqué une tendance croissante à l’agression sexuelle de lesbiennes par des hommes décidés à « guérir » les femmes de l’homosexualité.

En 2014, une lesbienne nommée Mvuleni Fana a été violée par quatre hommes, qui lui ont dit : « Après tout ce que nous allons te faire, tu vas être une vraie femme, et tu ne vas plus jamais te comporter comme ça. » Elle a ensuite été battue jusqu’à l’inconscience et laissée pour morte. On estime qu’en Afrique du Sud, 10 lesbiennes par semaine vivent de telles agressions, et elles ne sont pas les seules – ce phénomène a lieu à l’échelle de la planète.

En 2015, la cinéaste indienne Deepthi Tadanki a enquêté sur la tendance des pères en Inde à violer leurs enfants homosexuels pour les « guérir ». Dans une interview accordée à Gaysi, Tadanki a déclaré : « Quand je me suis documentée sur le viol correctif, ce qui m’a secouée, ce sont les pratiques inhumaines imposées par les gens aux filles au nom du pouvoir et de la discrimination (l’ego masculin), ainsi que de la culture et de la tradition. Ce ne sont pas seulement des inconnus ou des connaissances ; les propres familles de ces femmes participent au soutien, à la préparation et à l’exécution de ces viols. Dans la plupart des cas, les coupables ne sont pas punis et notre société trouve cela acceptable. »

Culture du viol

Même si la gauche peut croire que la lesbophobie et le viol correctif sont choses du passé et inédites chez nous en Occident, elle devrait commencer à s’en préoccuper. En effet, nous assistons aujourd’hui à une nouvelle forme de coercition sexuelle socialement acceptée – un genre d’intimidation aux allures progressistes qui accuse les lesbiennes de discrimination sexuelle du fait de ne pas vouloir de rapports sexuels avec des gens pourvus de pénis.

En avril 2017, Riley J Dennis, un auteur et trans-activiste populaire sur le réseau Youtube, qui s’identifie comme « transfemme non binaire » et est en relation avec une femme (ce que vous seriez pardonnée de considérer comme une simple relation hétérosexuelle), a mis en ligne une vidéo posant la question : « Les préférences génitales sont-elles transphobes ? » Dennis y concluait que si vous êtes une lesbienne qui refuse d’envisager des relations sexuelles avec une personne munie d’un pénis, vous êtes « cissexiste ».

À l’entendre, « Si vous êtes une femme qui n’aimez que les femmes, allez-y, identifiez-vous en tant que lesbienne, mais certaines femmes ont un pénis. »

Le « pénis féminin »

L’idée que toutes les lesbiennes ont simplement décidé de choisir de « s’identifier » comme lesbiennes, sans égard à leur préférence sexuelle réelle, est celle qui sous-tend la pratique du viol correctif et les tentatives masculines de « transformer » les lesbiennes en hétérosexuelles au moyen du pénis. Prétendre, dans ce contexte, qu’un pénis peut être « féminin » n’est rien de plus qu’une tentative de semer la confusion, et c’est devenu une façon politiquement correcte d’intimider les lesbiennes pour les amener à coucher avec des hommes.

Le 1er juillet, le transgenre Zinnia Jones, qui se prétend lesbienne, est marié à une femme et a 13 000 abonnés sur Twitter, a publié le tweet suivant : « Les pénis peuvent être incroyablement féminins. »

L’idée que les lesbiennes devraient être attirées par les transfemmes tout comme si c’étaient des femmes biologiques tient pour acquis que les lesbiennes ne rejettent pas spécifiquement et délibérément les corps mâles. Mais les lesbiennes ne sont pas lesbiennes pour être politiquement correctes ni pour valider l’identité des transfemmes. Si une lesbienne n’est pas intéressée par un pénis, ce n’est pas une lacune ou une phobie, c’est une sexualité. Comme l’explique la blogueuse Claire Heuchan, le lesbianisme concerne « des femmes désirant d’autres femmes, à l’exclusion des hommes ; des femmes consacrant notre temps et notre énergie à d’autres femmes, à l’exclusion des hommes ; des femmes construisant notre vie autour d’autres femmes, à l’exclusion des hommes. »

On voit même des magazines féminins comme Cosmopolitan entrer dans la danse, encourageant les lesbiennes à mettre de côté leur aversion pour le sexe avec les hommes et coucher avec des transfemmes. Dans un article intitulé « 14 choses que vous devez savoir avant de fréquenter une transfille »Evie Andrew écrit :

« Essayez de ne pas être trop fixée sur les parties génitales. Qu’est-ce que j’ai dit plus tôt à propos du fait que c’est la voie de l’avenir ? Certaines filles ont des bites, certaines filles n’en ont pas et certaines en ont à moitié… apprenez à faire avec. En fait, quelle est la dernière fois où vous avez approché une fille sur la piste de danse à cause de la forme de son vagin ? Indice : cela n’est jamais arrivé. »

Le message est clair : votre orientation sexuelle est une mauvaise habitude qu’il vous faut surmonter.

L’accusation de TERF

Mais ce harcèlement va plus loin, car les lesbiennes qui ne sont pas disposées à envisager des partenaires transgenres sont aujourd’hui qualifiées de « TERF », un acronyme désignant les « Féministes Radicales Exclusives des Trans » et qui est trop souvent associé à de violentes menaces.

Pour certaines transfemmes qui sont attirées par les femmes et s’identifient comme lesbiennes, le mot TERF est devenu synonyme de « lesbiennes ». Dans un article publié sur le site Buzzfeed et intitulé « L’identité lesbienne peut-elle survivre à la révolution sexuelle ? »Shannon Keating soutient que les lesbiennes qui se refusent aux transfemmes sont des TERF :

« Les TERF refusent de voir les transfemmes comme des femmes, croient qu’inclure les transfemmes dans les espaces féminins relève de la culture du viol et préconisent un retrait des lesbiennes du mouvement LGBT. »

Le 25 juin, Mya Byrne, musicien, auteur et trans-activiste, a affiché sur Twitter un autoportrait (supprimé depuis) pris lors du défilé San Francisco Pride, où il portait un T-shirt faussement ensanglanté où l’on pouvait lire « JE TAPE SUR LES TERF. » Comme Byrne portait ce t-shirt au Pride (un événement qui incluait vraisemblablement plus de lesbiennes que de femmes hétéro), ce message pouvait facilement être interprété comme une menace adressée aux lesbiennes qui étaient en désaccord avec l’idée que des pénis peuvent être féminins.

Pour les lesbiennes d’un certain âge – celles qui sont devenues à l’aise avec leur sexualité depuis les années 70 – ces nouvelles pressions pourraient être plus faciles à ignorer. Mais les jeunes lesbiennes qui en sont à l’apprentissage de leur vie sexuelle sortent du placard dans un monde où on leur dit que les pénis peuvent être féminins et que le rejet de cette idée (et des personnes attachées aux dits pénis) est cruel et intolérant. Au lieu d’enseigner aux jeunes lesbiennes à embrasser leur sexualité, nous leur enseignons qu’elles ont fondamentalement tort de ressentir ce qu’elles ressentent.

Refuser de respecter que certaines femmes ne veuillent pas avoir de rapports sexuels avec une personne munie d’un pénis est l’illustration ultime du patriarcat.

J. J. Barnes

JJ Barnes écrit sur des enjeux politiques en mettant l’accent sur les questions touchant les femmes, le féminisme et la parentalité. Elle est l’autrice de The Lilly Prospero Series for Siren Stories. Suivez-la sur Twitter : @judieannrose.

Version originale, traduite avec autorisation de l’autrice et de Feminist Current : http://www.feministcurrent.com/2017/07/08/lesbianism-attack-though-not-usual-suspects/

Traduction : TRADFEM

https://tradfem.wordpress.com/2017/07/19/le-lesbianisme-est-la-cible-dattaques-mais-pas-de-la-part-de-ses-adversaires-habituels/

 

IMPORTANT : Martha Harvey, directrice d’une organisation de défense des droits LBGT aux États-Unis, est actuellement la cible d’une campagne de dénonciation pour avoir signalé cet article comme intéressant à son réseau. On cherche à lui faire perdre son emploi. Veuillez ajouter votre nom aux plus de 250 signataires d’une lettre de protestation contre cette tentative de censure, en vous rendant sur le site http://www.feministcurrent.com/2017/07/18/open-letter-support-martha-harvey/